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Le professeur Pierrey : Un rédacteur en chef de légende

Qu'est-ce qui fait un homme, une légende ? Pourquoi pas même un mythe ? C'est la question que l'on peut se poser en parlant de Pascal Pierrey, le troisième rédacteur en chef, en autre, de Picsou magazine, de 1990 à 2020. Il a su durant plusieurs décennies, marquer au fer rouge,  les magazines Disney français, en y mettant originalité et humour. Revenons sur un destin atypique, et essayons de décortiquer son travail. 

Un Destin

Mai 2020, à la rédaction de Picsou magazine.

Le professeur Pierrey enlève les dernières affaires de son bureau, salue ses collègues, son successeur, et regarde le Picsou Magazine 549, son ultime création. C'est alors qu'il se souvient...

 

Tout a commencé non pas par une souris, mais des humanoïdes et des vaisseaux spaciaux. Nous sommes en 1981, et avec son ami Jean-Luc Lagardère, Daniel Filipacchi rachète le groupe Hachette Magazines, qui comprend plusieurs titres dont un magazine de science-fiction pour adultes : Métal Hurlant. Les locaux se trouvent alors au même immeuble parisien où siège déjà les locaux de Disney Magazines. C'est durant cette décennie que Pascal Pierrey se fait engager comme pigiste dans le magazine futuriste.

Contrairement à ce que l'on peut penser, les échanges entre les deux mondes sont réels. Yves Chaland, dessinateur Métal Hurlant, va faire plusieurs hommages à Picsou Magazine, et va même faire découvrir au jeune Pascal l'oeuvre de Carl Barks. Des liens sont donc forts, et notre professeur ne va pas tarder à travailler de plus en plus fréquemment avec les équipes de rédaction Disney.

 

L'occasion arrive alors en 1990, Michèle Lecreux, la rédactrice en chef de Picsou magazine (mais aussi donc de Super Picsou Géant) souhaite monter son entreprise. Le poste se libère, et Pascal Pierrey ne ratera pas l'occasion : << Je connaissais une personne du Journal de Mickey qui m'a présenté à Michèle Lecreux. L'aventure commençait ! >> Pascal Pierrey 

La folie des années 90

Sommaire "type" d'un Picsou magazine des années 90, avec Pascal Pierrey
Sommaire "type" d'un Picsou magazine des années 90, avec Pascal Pierrey

Pascal Pierrey hérite d'un Picsou Magazine avec un format déjà nouveau, qui se rapproche beaucoup plus du style années 80, où les gags, gadgets, et actualités diverses sont énormément présents. Car il faut dire que la première version du magazine, simple traduction d'un magazine italien Disney, était assez plate. On avait des jeux et des bande dessinées, sans plus.

 

Finalement, chaque format renouvelé s'adapte à son époque.

 

Le nouveau rédacteur en chef va  justement accentuer ces changements pour créer une toute nouvelle proximité avec ses lecteurs : réponses aux lettres, Picsou plus, actualités cinématographiques et musicales, interviews. On a aussi des blagues, de l'humour, et beaucoup de fantaisie. On donne aux enfants ce qu'ils veulent, en s'adressant presque directement à eux. Cela donne l'impression que chaque magazine est fait rien que pour nous. Le fait de miser sur des gadgets toujours plus originaux est aussi la marque de fabrique du professeur, dans une époque de mondialisation, de jouets, et de séries : C'est l'installation d'une société d'hyperconsommation. 

Un fan de l'oeuvre de barks

Le rédacteur en chef de Picsou magazine, Pascal Pierrey, offre à Carl Barks, la main tremblante, une sculpture en plâtre d'Oncle Picsou.
Le rédacteur en chef de Picsou magazine, Pascal Pierrey, offre à Carl Barks, la main tremblante, une sculpture en plâtre d'Oncle Picsou.

Pascal Pierrey est un amoureux de la bande dessinée américaine, et en particulier de l'oeuvre de Barks. En devenant rédacteur en chef, il décide de mettre de côté les histoires italiennes pour y ajouter des histoires du créateur de Picsou. Ainsi, à la fin de la décennie 90's, certains numéros ne contiennent pratiquement que des aventures barksiennes. Il permet au public français de mieux connaître son travail.

 

Il est aussi l'un des premiers à voir le potentiel d'un autre artiste : Don Rosa

 

Seront publiées ses histoires, et surtout, au numéro 266 de mars 1994, le premier épisode de la jeunesse de Picsou. 

Par ailleurs, il publie dans Picsou magazine des histoires inédites, mais aussi des dessins les illustrant, ou celles de Barks.

 La romance entre Disney magazines et Don prend fin en 2013, où un employé de la rédaction dira : << Rosa s'est mis très en colère contre Picsou Mag lorsqu'une illustration réalisée pour un fan a été utilisée en couverture du n°15 des Trésors. Il avait toute légitimité à s'indigner, des courriers d'avocat ont suivi mais à décharge, Pascal ignorait à l'époque la nature exacte de ce dessin et n'a d'ailleurs plus jamais recommencé. Entretemps on l'a revu à Angoulême 2013 où il s'est montré tout à fait cordial tout en sachant très bien qui on était et en nous réservant même quelques éloges lors de la conférence animée par Jean-Paul Jennequin. Je ne peux qu'en déduire que ses griefs évoluent avec le temps et selon l'humeur...>>. Il faut cependant nuancer en disant que sans lui, Picsou magazine aurait eu moins de succès, puisqu'il a réussi à faire augmenter sa popularité avec les épisodes de la jeunesse de Picsou (qui étaient, à l'origine,  mal traduits et mal colorés). Seconde nuance, une des choses que l'on pourrait reprocher au Professeur Pierrey est d'avoir peut-être trop "exploité le filon"... Aujourd'hui, le taux de réédition est dépassé, et les publications Disney publient, en conséquence, moins d'histoires américaines, au profit des italiennes. Cela fait un mélange idéal pour les plus jeunes, moins bien pour les plus conservateurs. La bande dessinée italienne prenant certaines libertés narratives, et visuelles. Peut-être aurait-il fallut s'intéresser à d'autres auteurs américains comme Paul Murry...

L'étrange Picsou magazine 359

En décembre 2001, les lecteurs ont dû s'étonner en lisant le Picsou magazine 359, qui ne contient aucune histoire centrée uniquement sur Picsou. Le canard avare et son neveu interviennent bel et bien, mais dans des univers qui ne leur appartiennent pas. L'exemple le plus flagrant est par exemple, une histoire où Donald se trouve dans l'univers de Blanche-Neige et les sept nains. Par ailleurs, la couverture du magazine (première, mais aussi quatrième de couverture) présente le film "Atlantide, l'Empire perdu". Le cadeau est d'ailleurs une planche d'autocollants du film. Là où tout le monde crie à l'oeuvre d'art (et ils ont raison.), on peut critiquer le fait que le numéro semble avoir été fait pour promouvoir le film Disney. Certes, cela a toujours été le cas, mais ici, la publicité est très grossière. Celle-ci a peut-être porté ses fruits, puisque que le film a fait 4 303 919 entrées. C'est le 8e film ayant comptabilisé le plus d'entrées en 2001. Il faut dire aussi que le thème de Jules Verne a su attirer le public français. Le succès sera toutefois très mitigé en-dehors de l'hexagone. C'est un des plus grands échec cinématographique de Disney. En effet, le film a été accueilli assez froidement par le public, puisqu'il a rapporté 186 000 000 de dollars, le studio rentrant difficilement dans ses frais. Par ailleurs, Atlantide, l'empire perdu a fait l'objet de critiques très sévères de la part d'une partie de la presse américaine, à commencer par les très célèbres The Washington Post, Los Angeles Times, Entertainment Weekly et Variety, qui jugent que le film s'éloigne trop des canons de Disney, en oubliant les enfants pour privilégier un public plus adulte. 

L'ultime effort

Pascal Pierrey dans son bureau, en 2017
Pascal Pierrey dans son bureau, en 2017

<< Il y avait un gadget dans Picsou magazine, pourquoi l'avez-vous abandonné ?

- C'est le précédent rédacteur en chef (Pascal Pierrey) qui s'était fait un devoir juste avant de quitter son poste de supprimer ce gadget, qui finalement, était devenu plus trop en adéquation avec la nouvelle génération qui est beaucoup plus investie dans l'écologie [...] Pour sa dernière mission, il s'est dit qu'il voulait l'enlever >> Jean-Baptiste Roux, l'actuel rédacteur en chef, interview sur france info

 

Ainsi Pascal Pierrey fut l'homme du changement, de la créativité, mais surtout de l'adaptation. Il a su revenir sur ses choix afin de mieux s'inscrire dans les différentes décennies. 

 

Ce choix de laisser place à la bande dessinée, et à l'actualité, ainsi qu'à des stickers plutôt que des bibelots en plastique, est un choix courageux, dans une période où la presse (enfantine comme adulte) entame une lente agonie face à Internet. 

Si vous en voulez plus...

 

 

 

 

 

Henriques Diego

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