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La série délaissée : "La légende des Trois Caballeros"

Il arrive parfois qu'une série sorte, sans qu'on y prête attention. Quel meilleur exemple que la série "La légende des trois caballeros", sortie discrètement sur la plateforme Disney+ dès son lancement en avril 2020, en France. Et pourtant, cette série animée ne mérite pas sa place, entre ses caméos, ses hommages à l'oeuvre de Carl Barks, mais aussi son émotion, avec des retrouvailles 77 ans après la dernière apparition cinématographique du trio. Retour sur une production chaotique, et sur l'histoire de la plus solide des amitiés entre trois vieux copains emblématiques.

La naissance des trois caballeros

Chaque année, en avril, les habitants d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud célèbrent la Journée panaméricaine. Les origines de la Journée panaméricaine remontent à 1890, lorsque la première Conférence internationale des États américains s'est réunie pour créer l'Union internationale des républiques américaines, une organisation qui renforcerait les liens d'amitié, de compréhension mutuelle et de respect des diverses cultures et des divers peuples.

 

En 1930, les 24 pays du conseil d'administration de l'Union panaméricaine ont adopté une résolution pour commémorer cette première réunion et renforcer les liens communs et les objectifs mutuels établis pour promouvoir la bonne volonté entre les pays de l'hémisphère occidental ; la Journée panaméricaine était née ! Quelques années plus tard, dans son discours inaugural de 1933, le président Franklin D. Roosevelt a souligné l'importance de la politique de bon voisinage, reconnaissant la nécessité pour les États-Unis d'entretenir des relations personnelles, politiques et économiques solides avec leurs voisins du Sud. Lorsque Roosevelt a prononcé son discours, peu de gens auraient pu deviner que, quelques années plus tard, Donald Duck deviendrait un "ambassadeur itinérant" pour faciliter la politique américaine.

 

En tant que stratégie diplomatique, la politique de bon voisinage a gagné en importance au cours des années qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale, en raison de l'influence croissante du régime nazi en Europe et de ses tentatives de pénétrer en Amérique centrale et du Sud, notamment en Argentine. Alors que la machine de propagande nazie devenait une menace sérieuse pour les puissances alliées, les États-Unis ont été contraints de développer leur propre campagne pour renforcer le soutien à l'Amérique du Sud. Pour développer des relations économiques et personnelles plus étroites, Roosevelt crée une nouvelle agence, le Bureau du coordinateur des affaires interaméricaines. Nelson Rockefeller est nommé à la tête de la nouvelle agence mais, avec le temps, l'affable Donald Duck deviendra le porte-parole le plus efficace de l'agence.

 

 

Les premières tentatives du Bureau du coordinateur des affaires interaméricaines pour encourager les studios d'Hollywood à produire des films destinés au public américain et sud-américain ont échoué lamentablement. Au lieu de films qui mettent en valeur la diversité des peuples, des traditions et des cultures de l'Amérique du Sud, les studios américains ont produit des films pleins de bandits, de voleurs et de bouffons stéréotypés. Les Sud-Américains trouvent ces films racistes, insultants et complaisants. Dans l'espoir d'apaiser les relations, Rockefeller a contacté Disney et a demandé des courts métrages. À cette époque, Blanche-Neige et Pinocchio avaient été traduits en espagnol et en portugais, et Disney jouissait d'une grande popularité en Amérique du Sud.

 

Walt Disney y voit l'occasion de promouvoir sa propre tournée publicitaire. D'août à octobre 1941, avec une équipe triée sur le volet de musiciens, d'artistes, d'animateurs, d'écrivains et de preneurs de son, il fait une tournée au Chili, en Argentine, au Pérou, en Bolivie, en Équateur, au Guatemala, au Panama et au Mexique. Le groupe a été encouragé à explorer et à enregistrer la géographie, l'architecture, la musique, l'art et les traditions des différentes cultures sud-américaines. Ils sont revenus avec une abondance de scénarios, de concepts et d'idées pour de nouveaux personnages. Donald Duck, dont la popularité avait alors dépassé celle de Mickey Mouse, était le choix évident pour être la star des films.

 

Dans les années qui suivent, le studio Disney développe des livres, des courts métrages et des bandes dessinées qui célèbrent les peuples et les cultures d'Amérique centrale et du Sud. Au total, Disney a produit 12 dessins animés, dont quatre - "Lake Titicaca", "Pedro", "El Gaucho Goofy" et "Aquarela do Brasil" - sont sortis en 1942 sous le titre Saludos Amigos. Dans ce film, Donald Duck joue le rôle d'un touriste américain maladroit qui voyage en Amérique du Sud avec un nouvel ami, José Carioca, un perroquet brésilien. Le film a connu un succès retentissant tant en Amérique du Nord qu'en Amérique du Sud.

 

Mieux, la matière ramenée du continent sud-américain est telle qu'elle ouvre la voie à un deuxième opus, deux ans plus tard : Les Trois Caballeros. C'est en décembre 1944 que Disney sort son deuxième film sur le thème de l'Amérique du Sud, Les Trois Caballeros, à Mexico (qui aura un succès minime pour plusieurs raisons dont plusieurs prétendus sexuels). Le film présente aux spectateurs une foule de nouveaux personnages, dont Panchito Pistoles, un coq mexicain. La première moitié du film ne présentait que des sujets de dessins animés, mais dans la seconde moitié, Disney a introduit une technologie appelée animation en direct, qui fait appel à de vrais acteurs qui apparaissent aux côtés des personnages animés et interagissent avec eux. Disney a choisi Aurora Miranda, une actrice populaire en Amérique du Nord, du Sud et centrale, pour jouer aux côtés de Donald, José Carioca et Panchito Pistoles.

 

Ce film, qui suit Donald Duck dans sa tournée de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale, présente de nouveaux personnages tels que l'Oiseau d'Aracua, le Gauchito volant et son âne Burrito, le coq mexicain Panchito Pistoles et le Pingouin à sang froid.

Le succès de ces films suggère que la promesse de Disney d'une nouvelle version de la politique de bon voisinage a fonctionné. Les Américains du Nord, du Sud et du Centre ont accueilli Donald Duck et son équipe de personnages créatifs, et les efforts de Roosevelt pour encourager "la bonne volonté et la coopération internationales" se sont concrétisés. Qui aurait pu deviner que la politique de bon voisinage serait menée par un canard ?

 

En France, les deux films sortiront tous deux en début de l'année 1948 (tout comme les autres pays européens, après la guerre), et la fameuse chanson "Baïa" du film de 1944, est chantée par Luis Mariano ( Mexico, La belle de Cadix, le Prince de Madrid...) très en vogue à l'époque ( et même jusqu'à sa mort en 1970). Des affiches mettent même le "chanteur à la voix d'or" en avant plutôt que le film en lui-même, présentant ainsi la chose comme une "nouvelle chanson de Mariano". Aucun chiffre nous permet malheureusement de juger de l'efficacité de cette publicité en France. La chose étant aussi que cette chose est nullement connue par "les marianistes" dans le répertoire du chanteur.

 

<< Les trois caballeros aurait du sortir juste après Saludos Amigos dont il parait, à bien des égards, être l'aboutissement. Il connaît malheureusement des ratés dans sa production, freinée par différents projets militaires, prioritaires alors, et, bien que terminé en octobre 1944, patiente encore jusqu'en février 1945, entravé par Technicolor ne parvenant pas à produire le nombre suffisant de copies pour en permettre une exploitation normale. Ces retards n'empêchent pas finalement sa rencontre avec le public qui le plébiscite des deux cotés du golfe du Mexique. La critique n'est, en revanche, pas tendre avec le film. Elle passe complètement à côté de son intérêt visuel et de son audace. Pire, elle dénonce sa débauche sexuelle reprochant à Donald des danses jugées douteuses avec des jeunes filles en maillots de bains. Le numéro de Carmen Molina est d'ailleurs considéré comme beaucoup trop suggestif. Certaines critiques en profitent pour s'attaquer à l'inaction des cabinets de censure, qui, très influents à Hollywood, ont laissé "passer" ses séquences. Le retour de bâton pour toute la profession est alors proche... Le film paye au prix fort sa réputation sulfureuse et se voit confiné par les professionnels à des rangs subalternes dans la course aux récompenses. Aux Oscars, il est ainsi seulement nominé dans les catégories - somme toute secondaires - de la meilleure musique et de la meilleure prise de son. >> Chronique Disney 

Une série malmenée par disney

Nous sommes le 9 juin 2018, sur différends forums américains spécialisés dans l'univers Disney, plusieurs personnes montrent des images inédites d'une série d'animation avec les Trois Caballeros, diffusée seulement aux Philippines par l'intermédiaire de Disneylife. Pourquoi uniquement les Philippines ? La série semble alors avoir été jetée dans une plateforme que peu de personnes utilisent. 

 

Puis coup de théâtre un an plus tard, Matt Daner, le directeur du projet, publie un tweet expliquant l'arrivée de la série le 7 novembre 2019 sur Disney+, aux Etats-Unis.

 

Le 12 novembre de la même année, un synopsis arrive : Alors que Donald venait d'hériter d'une cabane ayant appartenu à son grand-père Clinton Écoutum au New Quackmore Institute, il découvrit avec le coq mexicain Panchito Pistoles et le perroquet brésilien José Carioca un livre magique, qui une fois ouvert libéra une déesse du nom de Xandra. La déesse expliqua à Donald, Panchito et José qu'ils étaient les descendants d'un trio d'aventuriers connus sous le nom des Trois Caballeros, qui ont longtemps voyagés afin d'empêcher le maléfique sorcier Lord Felldrake de conquérir le monde, et qui ont finalement scellés ce sorcier dans un bâton magique.

Cependant, le bâton où était enfermé Felldrake est découvert par son descendant, le baron Von Sheldgoose, qui est le président corrompu du New Quackmore Institute. Alors que ce dernier va tenter de faire revivre le maléfique sorcier, les nouveaux Trois Caballeros, Donald, Panchito et José, vont devoir se battre pour devenir de vrais héros et empêcher que le monde tombe dans le chaos, si le sorcier revenait au monde...

 

Du point de vue artistique et culturel, le design se rapproche aux séries-animées des années 90. Ensuite, comme pour Ducktales 2017, il y a de nombreuses références à l'oeuvre de Barks et Rosa en reprenant leurs personnages. Ainsi, Lili, Lulu er Zizi sont des personnages importants, que l'on trouve dans tous les épisodes; et Clinton Ecoutum, personnage de Don Rosa, est présent dans un épisode. On remarquera également l'apparition rapide (et humoristique) de Picsou dans la série.

 

Du point de vue production, la série a été produite avant le reboot de La Bande à Picsou. Ensuite, "La Légende des Trois Caballeros" a été créé par Disney Interactive, qui opère en dehors de Disney Television Animation. Disney Interactive Studios était un développeur et éditeur américain de jeux vidéo appartenant à The Walt Disney Company par le biais de Disney Interactive. Avant sa fermeture en 2016, elle développait et distribuait des jeux vidéo multiplateformes et du divertissement interactif dans le monde entier.

La plupart des jeux publiés par Disney Interactive Studios étaient généralement des produits liés à des franchises de personnages existantes. Mais cette fois-ci, le studio a en charge une série reprenant l'univers culte de 1944. Sauf que les premiers problèmes débutent durant la production de la série, le Disney interactive studios est absorbé par la Disney Digital Network, qui est dorénavant chargée du streaming, ne créditant pas ainsi l'ancien studios. L'animation, quand à elle, a été confiée à trois studios externes à la filiale Disney : L'américain 6 point Harness et les deux canadiens Atomic Cartoons et Mercury Filmworks. La série aurait alors été terminée en 2017. 

 

Le 7 avril 2020, la surprise est totale pour les fans français, la série et disponible sur Disney+ en France. La surprise est d'autant plus grande qu'aucune publicité n'a promeut ces 13 épisodes initiaux. Elle comme jetée au milieu d'une plateforme aux milliers de programmes. Puis le 9 juin 2021, Disney Channel présente sa nouvelle série "inédite", qui est pourtant sortie plus d'un an avant en streaming, offrant toute de même l'occasion à la série d'avoir sa place qu'elle mérite et d'être diffusée sur le grand écran.

 

 

Alors pourquoi pas une saison 2 ? Eh bien, l'équipe de production n’a, depuis, pas été réunie. On doute dès lors qu’une deuxième saison soit sur les planches. Mais l'un des avantages de Disney + est que Disney pourra collecter de nombreuses données sur le nombre de personnes qui regardent l’émission et si elle est populaire, ce qui rend la décision sur les projets futurs beaucoup plus facile pour eux. Alors qu'attendez-vous ?

 

Henriques Diego 

Merci à Chronique Disney pour l'extrait : 

https://www.chroniquedisney.fr/animation/1945-caballeros.htm

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